Interview toute fraîche de Marcel Kuntz, biologiste et directeur de recherche au CNRS
Atlantico : Au vu des différentes études scientifiques, que sait-on vraiment de la dangerosité du glyphosate aujourd'hui ?
Marcel Kuntz : Pendant des décennies, la molécule glyphosate a fait l’objet de multiples études dans le monde (y compris des études indépendantes par rapport à son producteur) sans qu’un risque de favoriser un cancer n’ait émergé de manière crédible (ce qui ne dispense pas de l’utiliser avec les précautions d’usage, comme tout autre produit, y compris domestique). Le glyphosate était hors des radars politico-médiatiques. Cela a changé pour deux raisons. D’abord une célèbre étude sur des rats affligés de tumeurs monstrueuses a fait la une des médias. Tout le monde a vu ces images, mais peu de personnes savent que cette étude a été retirée par le journal scientifique qui l’avait acceptée, et que des études récentes sur financements publiques (qui ont repris les expériences) ont achevé de la discréditer.
Puis, peut-être inspiré par cette étude qui illustrait le potentiel anxiogène du glyphosate, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) s’est emparé du dossier. En réalité, le CIRC n’a mené aucune « recherche », mais a décidé dans des conditions douteuses un classement du glyphosate en « probablement cancérogène pour l’homme... » (comme la viande rouge, la combustion domestique du bois, l’exposition professionnelle des coiffeurs…).
Aujourd’hui, aucune agence officielle d’évaluation des risques n’a suivi le CIRC sur le glyphosate : ni les européennes, ni les françaises, ni états-uniennes, ni du Canada, ni du Japon, ni d’Australie… Les écologistes n’ont plus d’autres arguments que d’invoquer un contrôle de Monsanto sur la « science mondiale ». Pour qui connait le fonctionnement de la science, c’est grotesque ! Mais cela a du succès dans la « démocratie des crédules »…
Si toutefois le sujet est l'appauvrissement de la biodiversité, c'est l'utilisation même de pesticides qui est à repenser. Toutefois, le glyphosate est sûrement l'herbicide le plus étudié, le mieux connu, sa formule est dans le domaine public (et n'appartient donc plus à Monsanto-Bayer), et il possède de nombreux avantages que ne possèdent pas les autres (biodégradabilité rapide, nécessite peu d'eau...). D'un autre côté, par exemple, le sulfate de cuivre qui est massivement utilisé dans le bio s'accumule dans les sols et risque d'avoir des effets à long terme.
Après, je tiens a rappeler que toute la planète n'est pas sortie du problème des famines et de la malnutrition, que les gens qui en meurent chaque année se comptent en millions. Alors parler productivité, en termes d'agriculture, ce n'est pas toujours diabolique. L'utilisation de certains OGM enrichis en nutriments de base dont on manque massivement dans certaines régions d'Afrique aurait sauvé la vie d'un paquet de personnes. Mais l'idéologie est passée par là (j'ajoute au passage qu'aucune étude sérieuse n'a jamais démontré la dangerosité des OGM, et que ça fait à peu près un siècle que l'on consomme déjà des produits similaires aux OGM).
C'est aussi pour ça qu'il faudrait se donner des priorités. Pour moi, c'est ça :
1) Nourrir la planète
2) Protéger réellement certaines zones de la planète pour freiner l'extinction de masse des espèces (déboisement, ratissage des fonds marins...)
3) Ralentir le réchauffement climatique