Arrêt de la Ligue 1 : les avis des présidents divergent
Si certains dirigeants de clubs de L1 que nous avons interrogés ont des regrets quant à l'arrêt définitif du Championnat, d'autres veulent aller de l'avant, à l'image du Montpelliérain Laurent Nicollin.
À moins d'un utopique revirement auquel s'accroche encore le président de l'OL Jean-Michel Aulas, la Ligue 1 ne reprendra pas cette saison. Or, à lire Bernard Caïazzo, le président du conseil de surveillance de l'ASSE et du syndicat Première Ligue, avant-hier, sur Eurosport, les clubs professionnels l'auraient « de plus en plus mauvaise », pris de regrets devant la gestion de la crise sanitaire chez leurs voisins. Contrairement à l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne, qui ont tous fini par décider de relancer leurs Championnats, les autorités du foot français ont acté l'arrêt définitif des leurs dès le 30 avril, contraintes par la prise de position ferme du Premier ministre, Édouard Philippe, dans son allocution devant l'Assemblée nationale le 28.
« La décision a été prise en connaissance de cause à l'époque »
Julien Fournier, le directeur du football de l'OGC Nice
Mais en déclarant jeudi, alors qu'il présentait la phase 2 du plan de déconfinement, qu'il ne lui appartenait pas « de [s] e prononcer sur les décisions des ligues et des fédérations », le chef du gouvernement a semé le trouble dans l'esprit de certains dirigeants. « On ne peut que se conformer aux décisions gouvernementales lorsqu'elles s'imposent à tout le monde, pose Frédéric Longuépée, le président des Girondins de Bordeaux. Cela dit, on peut légitimement s'interroger sur la cohérence des deux discours... Dans le premier, le Premier ministre cite nommément le Championnat de France de football en invoquant le fait qu'il ne pourra pas reprendre. On est de bons élèves, on s'exécute quand on nous dit de ne pas faire, mais on ne peut pas affirmer tout et son contraire en un mois. »
Faut-il pour autant penser, comme le président délégué d'Angers SCO Fabrice Favetto Bon, que la Ligue 1 a été « un peu précipitamment sacrifiée » ? Aux yeux de Julien Fournier, le directeur du football de l'OGC Nice, « le Premier ministre était dans son rôle quand, d'un point de vue sanitaire, il a interdit la reprise du Championnat ». Mais il rappelle que les acteurs du foot français ont pris la décision d'acter l'arrêt définitif de la L1 et de la L2 « tous ensemble ». Pour des raisons sanitaires, certes, mais aussi économiques. « Les diffuseurs avaient suspendu leurs paiements et avaient clairement indiqué qu'en cas de reprise éventuelle, ils ne paieraient pas les mêmes montants que ce qui était prévu, précise Fournier. La décision a été prise en connaissance de cause à l'époque. »
« Nous n'avons pas su être unis et nous n'avons pas eu la capacité à nous faire entendre »
Fabrice Favetto Bon, président délégué d'Angers
C'est aussi l'avis du président du DFCO, Olivier Delcourt, qui martèle que « la priorité, c'était le sanitaire, pas autre chose ». Mais pas celui de Favetto Bon, selon qui le foot français a « peut-être souffert de sa désunion et de l'absence de relais politiques pour plaider [sa] cause ». « Le lundi 11 mai, les courses hippiques devaient reprendre, développe l'ancien directeur commercial et marketing de France Galop. Le vendredi 8, au matin, alerte rouge, le ministère de l'Agriculture expliquait finalement qu'elles n'allaient pas pouvoir reprendre. Ce week-end-là, le secteur a actionné ses connexions politiques, notamment via Philippe Augier et François Bayrou (respectivement maires centristes de Deauville et Pau), et la présidence de la République a finalement décidé pendant le week-end que les courses recommenceraient bien le lundi (à huis clos). Dans le football, nous n'avons pas su être unis et nous n'avons pas eu la capacité à nous faire entendre. Et c'est une décision prise par l'État qui va nous coûter collectivement 500 M€. »
« Ce qui est fait est fait. C'est comme quand une femme t'a trompé toute ta vie, que tu es toujours amoureux d'elle et que tu veux la retrouver. Elle t'a trompé, elle n'a plus envie de toi, tu passes à autre chose
Laurent Nicollin, président de Montpellier
Laurent Nicollin, le président de Montpellier, table de son côté sur un trou de « 15 à 20 M€ » dans son budget. Mais aussi vrai qu'il regrette de n'avoir « aucune visibilité sur la saison prochaine », il trouve « insupportable » que certains de ses homologues continuent de remettre en question une décision « qui a été votée au conseil d'administration de la Ligue et validée par la FFF ». « On a emboîté le pas du gouvernement, il faut arrêter de ressasser le passé et préparer la saison prochaine, savoir dans quelles conditions on peut reprendre l'entraînement, si on peut ouvrir les stades ou pas, lancer la campagne d'abonnements ou pas, quoi dire aux sponsors, liste Nicollin. Ce qui est fait est fait. C'est comme quand une femme t'a trompé toute ta vie, que tu es toujours amoureux d'elle et que tu veux la retrouver. Elle t'a trompé, elle n'a plus envie de toi, tu passes à autre chose. Sinon ça te ronge, tu t'uses la santé pour rien. »
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Visiblement pas le genre d'Aulas, qui a encore déclaré vendredi dans le 19 : 45 de M6 qu'il allait « écrire à nouveau à la Ligue » pour la convaincre de convoquer « une assemblée générale extraordinaire ».
« Jusqu'à ce que Noël Le Graët lui dise que la saison blanche dont il rêvait n'arriverait pas, Jean-Michel Aulas militait aussi pour l'arrêt du Championnat »
Julien Fournier
Avec en tête le même objectif de reprise, « pas franchement raisonnable » de l'avis de Longuépée. « Cela me paraît complètement utopique d'imaginer redémarrer un Championnat maintenant », renchérit Fournier, pour qui il serait même « inconscient pour la santé des joueurs d'enchaîner deux Championnats, les Coupes d'Europe pour certains, plus l'Euro pour les internationaux ». « Pour moi, ce sont des polémiques stériles, conclut le directeur du football niçois. Jusqu'à ce que Noël Le Graët lui dise que la saison blanche dont il rêvait n'arriverait pas, Jean-Michel Aulas militait aussi pour l'arrêt du Championnat. »
À Rennes, Nicolas Holveck n'est pas favorable non plus à une reprise. « On ne peut pas contester les décisions qui viennent de là-haut », appuyait-il hier sur RTL. Sur l'arrêt décidé fin avril, il reconnaît toutefois : « On est peut-être allés un peu vite sur la décision. Mais on ne connaît pas les conséquences physiques qu'auront ailleurs, pour les joueurs, un enchaînement entre les fins de saison et le début de la saison suivante après une longue interruption. Personne, aujourd'hui, ne peut dire que la France a pris la plus mauvaise décision. »