Longue interview de BG. Bonne lecture. J’adore ce mec et cet entraîneur
:
« Notre force vient de l’état d’esprit du groupe »
Stade Rennais. Troisièmes de Ligue 1 et qualifiés en Ligue Europa, les Rouge et Noir ont réussi leur première partie de saison. Avant la copieuse suite, Bruno Genesio dresse un premier bilan.
FOOTBALL
Entretien
Bruno Genesio, entraîneur du Stade Rennais
Dimanche, au lendemain du succès face au Celtic, Bruno Genesio nous avait donné rendez-vous à l’hôtel des Rennais à Quinta Do Lago (Portugal). Sur la terrasse, le soleil en arrière-plan. L’occasion de faire le point avant la reprise du championnat.
Finalement, qu’avez-vous pensé de cette trêve ?
Ce n’est pas l’idéal. Première chose, ça nous a obligés à avoir quinze matches de championnat et les six matches de Ligue Europa très concentrés sur une courte période, avec de la fatigue supplémentaire pour les joueurs. Là, on a une longue période sans match et on va se retrouver à nouveau avec une densité de matches assez incroyable si, et je l’espère, on est qualifié dans les trois compétitions. Mais on s’adapte…
Quelle a été la démarche de construction de cette deuxième préparation de la saison ?
On a dissocié la première de la seconde. La première était celle que l’on a l’habitude de faire pour être vite prêt à assumer la charge de matches et d’intensité qu’on a eus à gérer. Cette deuxième préparation est différente : on a souhaité laisser une bonne coupure aux joueurs. Non pas pour tout de suite, mais sur la durée on s’y retrouvera. On ne reprend pas complètement de zéro, car les joueurs ont eu un programme, n’ont coupé que deux semaines et on est beaucoup plus vite monté en intensité dans les séances.
Rennes avait huit joueurs au Mondial. Comment vont-ils être réintégrés ?
C’est compliqué. Même si pour certains, ils n’ont pas beaucoup participé aux matches de leur sélection, ils ont été concernés. On laisse des forces même quand on ne joue pas. On leur a donc laissé deux semaines de repos complet à eux aussi, après leur élimination. C’est donc une préparation adaptée, individualisée. On est un peu dans l’inconnu parce que c’est la première fois que ça arrive. On verra ce que ça donne, mais je trouve qu’on aurait peut-être dû s’adapter davantage avec le calendrier. Je ne suis pas certains que ce soit très judicieux de nous mettre deux matches le 29 décembre et le 2 janvier après une Coupe du monde comme celle-ci. Encore une fois, on est toujours les derniers consultés.
Souscrivez-vous à la théorie de la nouvelle saison qui démarre le 29 décembre ?
Oui. Parce qu’il y a eu un mois et demi de coupure entre notre dernier match et le prochain. On n’a même pas terminé les matches aller. Comment vont revenir les joueurs qui ont participé au Mondial ? Que ce soit physiquement ou mentalement. Il y a beaucoup de paramètres inconnus qu’on ne peut pas évaluer tout de suite et qui laissent penser que c’est une deuxième saison qui débute.
Avez-vous profité de cette période pour apporter des nouvelles choses à votre équipe, tactiquement par exemple ?
Oui, c’est très important. On est en pleine réflexion après un bilan de nos premiers matches qui a été fait par mes analystes. J’ai prévu, quand tout le monde sera là, sauf Lovro (Majer) et Steve (Mandanda), d’avoir une réunion avec tout mon groupe, pour leur expliquer encore les phases de progression que l’on a, défensivement et offensivement, mais aussi pour continuer à être performant dans les domaines où on l’a été sur cette première partie de saison.
Qu’avez-vous ciblé ?
Il existe des situations de jeu que l’on doit encore éclaircir tactiquement. C’est notre job, pour que les joueurs aient le moins d’inconnues possible quand ils arrivent sur le terrain. On ne peut pas tout prévoir, anticiper, mais c’est important d’avoir des repères communs, par rapport à certaines situations pour gagner du temps. Et pour être une équipe encore plus difficile à jouer.
« On possède un potentiel offensif assez impressionnant »
Lors des 21 premiers matches joués, si on vous dit que Rennes est moins flamboyant mais plus sûr de sa force, vous validez ?
Moins flamboyant, je ne suis pas sûr. On a mis moins de cartons, oui, mais il y a eu de très bons matches. Ce qui me plaît beaucoup, ce sont les deux défaites seulement. Cela veut dire que l’on est une équipe difficile à manœuvrer. Ce sont deux défaites pas forcément méritées en plus. C’est bien. On est perfectible, car on ne le souligne pas beaucoup, mais le groupe est très jeune, avec une marge de progression très importante. C’est là-dessus que l’on va travailler.
Hormis à Lille, vous ne vous faites jamais bouger. Satisfaisant ?
On concède très peu d’occasions. C’est la base si on veut gagner des matches. On a un potentiel offensif qui nous permet de nous créer beaucoup d’occasions et d’en convertir, mais la base de l’équipe, elle est dans notre solidité, notre faculté à faire les choses ensemble. C’était déjà le cas l’année dernière, on avait été l’une des meilleures défenses. On est dans la continuité.
Avec vous, Rennes encaisse en moyenne 1,07 but par match. Votre meilleure moyenne en carrière en tant que coach. Cela peut paraître surprenant, dans la mesure où les errements de votre équipe ont souvent été pointés du doigt.
(Il sourit) C’est pour cela qu’il faut toujours avoir un peu de mesure dans nos analyses. J’aime que mes équipes prennent beaucoup de risques. On joue quasiment avec cinq joueurs offensifs à chaque match, plus des latéraux très offensifs. Forcément, ça peut amener des déséquilibres, ça peut laisser penser qu’on a une équipe fragile défensivement, mais on voit dans les chiffres que ce n’est pas le cas. Malgré cette volonté d’attaquer en nombre, on a quand même une stabilité défensive très intéressante parce que tout le monde participe à la récupération et au replacement.
Avez-vous un regret sur cette première partie de saison ?
La première place de Ligue Europa. Sur les deux confrontations face à Fenerbahçe, on a été meilleurs. On a manqué d’expérience sur le match aller et peut-être aussi sur le match retour. On doit progresser, parce qu’à ce niveau-là, ça ne pardonne pas.
Y a-t-il eu une forme de sanction envers Kamaldeen Sulemana, qui n’a pas rejoué après sa bourde à Istanbul ?
Non, ce n’est pas une sanction, mais j’ai parlé avec lui, il doit être capable de comprendre qu’il y a des choses que l’on peut faire et d’autres que l’on doit éviter de faire. À partir du moment où je dis les choses une fois ou deux fois, il faut que les joueurs comprennent vite, parce qu’on est dans le très haut niveau. On doit accorder l’erreur, c’est normal, le jeu demande des erreurs. Mais ce qui est important, c’est d’apprendre de ses erreurs. Et d’apprendre vite. Ce n’est pas une sanction, il n’est pas mis à l’écart. Il le sait. Il a des qualités de vitesse et de dribble extraordinaires, mais il y a des zones dans lesquelles il doit exprimer ses qualités. Et dans d’autres zones, il doit avoir un peu plus de discernement.
Le gros changement de cette saison, c’est le passage en 4-4-2. Qu’est-ce qui vous faire croire très fort en l’association Kalimuendo – Gouiri ?
Ils sont complémentaires, mais je rajouterais aussi les joueurs de côté et notre milieu de terrain, parce qu’il y a toujours un de nos deux milieux qui est un joueur offensif. C’est la complémentarité des quatre joueurs qui évoluent devant. Kamaldeen et Jérémy (Doku) ont d’autres profils. Mais concernant Amine et Kali, ils sont très complémentaires parce qu’ils ont des qualités différentes. Kali a la faculté à prendre la profondeur, faire baisser les défenses adverses. Et Amine aime bien se retrouver dans l’interligne, pour avoir un rôle de relais entre le milieu et l’attaque. C’est un potentiel offensif assez impressionnant que l’on a.
On a les moyens de finir sur le podium
Ce changement de système était-il lié à une volonté de mercato ou aux opportunités ?
Ce sont plus les opportunités de recrutement. Et encore une fois, j’aime que mes équipes jouent, prennent des risques. Ce n’est pas parce qu’on joue en 4-4-2 avec des joueurs offensifs qu’on marquera forcément des buts, mais c’est ce que j’ai envie d’insuffler à cette équipe. Et puis, je suis pragmatique : j’essaie d’exploiter au maximum les qualités de mes joueurs.
Le Stade Rennais n’a jamais eu un tel effectif dans son histoire, que ce soit en termes de quantité ou de qualité. Comment envisagez-vous la gestion du groupe avec les retours des blessés ?
Ça va être très important. Avec les retours de Warmed (Omari) et Baptiste (Santamaria), on va avoir un groupe très étoffé, à la fois en nombre et en qualité, mais aussi avec des joueurs très proches les uns des autres. Ceux qui ne vont pas jouer auront une frustration plus importante, parce que les choix vont être plus difficiles à faire. Mais ça aussi, ça fera partie des choses que j’évoquerai avec eux très prochainement quand tout le monde sera rentré. Parce que c’est ce qui fait notre force. On a de très bons joueurs, mais notre force vient de l’état d’esprit du groupe : de ceux qui jouent, ceux qui jouent moins et ceux qui ne jouent pas. Tant qu’on aura ça, on sera performant. Je sais que c’est dur. Quand on est joueur, on veut tout le temps jouer. Mais quand on veut évoluer dans un club qui joue le haut de tableau et pour se qualifier en Coupe d’Europe, l’effectif est important et la concurrence est là. Et parfois, elle n’est pas favorable, mais il faut non pas la subir, mais l’accepter pour faire changer les choses. Et il y aura tellement de matches que chaque joueur aura l’occasion à un moment donné de s’exprimer.
Le milieu de terrain symbolise cette abondance avec six joueurs pour deux postes.
Oui, mais on n’est pas figé dans le système, on peut parfois retrouver un 4-3-3 un 4-2-3-1. Beaucoup de choses peuvent être mises en place, mais c’est vrai qu’il y aura du monde au milieu, mais devant aussi, avec sept joueurs pour trois ou quatre postes. C’est comme ça qu’on avance. Toutes les grandes équipes qui ont des ambitions élevées ont des groupes fournis comme le nôtre.
On voit deux championnats se dessiner. Et derrière le PSG, avec huit autres équipes, le Stade Rennais regarde tout le monde dans les yeux et peut ambitionner la deuxième place ?
Oui, il faut avoir cette ambition-là. Il ne faut pas être prétentieux, fanfaronner, mais on a les moyens de lutter pour les places européennes et le podium. Mais on n’est pas tout seul, car il y a beaucoup de très bonnes équipes, à commencer par celle qui est devant nous, Lens. Marseille, Monaco, Lille qui est une très bonne équipe. Lorient qui est là et ce n’est plus un hasard. Et peut-être que Lyon et Nice, qui ont un peu raté leur première partie de saison, auront l’opportunité de revenir grâce à cette coupure. Ça fait beaucoup d’équipes pour les trois, quatre premières places.
Le club a réussi à conserver ses meilleurs éléments l’an passé.Cette saison peut-elle être charnière en fonction de votre classement ?
Oui, la place finale sera essentielle pour continuer à travailler avec une ossature de groupe assez intéressante, continuer à progresser. Mais je crois qu’on a une force au club, c’est la formation. Beaucoup de jeunes joueurs pointent le bout de leur nez et font même un peu plus que le pointer. C’est quelque chose que l’on doit renforcer et développer. On doit s’inspirer de certains clubs européens comme Leipzig. C’est une direction dans laquelle on doit tendre.
Que serait une année 2023 réussie ?
Ce serait d’être européen une nouvelle fois, pour la sixième saison consécutive. De faire un bon parcours en Ligue Europa, parce que c’est une belle compétition. Aller en quarts de finale, être dans les seize ou huit dernières équipes, ce serait un beau parcours. Et j’ai une attention particulière pour la Coupe de France cette année. J’ai beaucoup de regrets sur le match de Nancy l’an passé. On a un tirage qui n’est pas facile, mais, même si c’est difficile d’en faire un objectif, ça doit être dans notre tête, dès le début de la compétition, d’avoir ce rêve de retrouver le maximum d’émotions dans cette compétition.
